· 

Son odeur après la pluie, Cédric Sapin-Defour, Stock

 

 

  

Son odeur après la pluie

Cédric Sapin-Defour

Éditions Stock, Coll. La Bleue

270 pages

29/03/2023

20,90 €

Premier roman

 

Tout le chien est dans son regard. 

Paul Valery

... et dans Son odeur après la pluie. Ce titre est une merveille. La préface sensible de Jean-Paul Dubois aussi. Le premier roman de Cédric Sapin-Defour est le récit autobiographique et rétrospectif d’un amour immarcescible  entre un homme et son chien liés par une complicité fusionnelle que viendront égayer des années plus tard Mathilde la compagne, Cordée et Frison deux autres chiennes.

 

Ubac — Des syllabes, deux, fuyant la lumière mais ne refusant pas les éclats du bonheur  est ce bouvier bernois que Cédric a adopté à la lecture d’une petite annonce découverte par hasard dans un journal, presque sur un coup de tête, ne se doutant pas — pas tout à fait encore — combien cette vie toute neuve allait bouleverser la sienne.  

 

C’est ainsi, il m’a regardé, je l’ai regardé, nous nous sommes dit, c'est toi et la Terre a changé d’axe, les mystères d’une vie plus ample que nous, voilà tout. 

 

J’ai été alléchée par les avis élogieux, par le phénomène éditorial de ce roman paru au printemps et dont on parle déjà pour une adaptation à l’écran. De surcroît, c’est un premier. Et est-ce pour cette raison-là qu’enfin me décidant à le lire ma déception est grande ?

 

Il n’y a rien, absolument rien d’inédit dans ces pages. D’ordinaire si prompte à noircir mon carnet de notes et de citations, je n’ai glané ici et là que quelques phrases pour étayer ce billet. Certes, que l’on ait eu ou non un compagnon à quatre pattes, on ne peut qu’être profondément touchés par ces deux vies qui lentement s’apprivoisent, se comprennent d’un seul regard et font chemin commun, un chemin parfois accidenté par quelques mésaventures telles ces visites d’urgence chez les vétérinaires, êtres supérieurs  qui prennent soin de leurs patients muets, auxquels l’auteur rend un hommage appuyé et mérité.

 

Je sais que cette vie commune aura ses joies et ses peines mais c’est ainsi, les chemins menant au bonheur sont pavés de bien des affres, les trajets directs n’existent pas ou alors c’est vers autre part que le bonheur. 

 

Cédric Sapin-Defour n’est pas en reste pour nous dire par le menu et avec une générosité qui n’évite pas les redites ces journées dans le Beaufortain, pays de montagnes majestueuses et de vallées verdoyantes qu’Ubac et lui patrouillent chaque jour, laissant le hasard parfois, l’habitude souvent décider de l’itinéraire. Les rencontres, les trouvailles, l’éveil des sens, les petits riens du quotidien à deux les façonnent l’un et l’autre à force d’imperceptibles changements. 

 

Ubac s'enferme joyeusement dans chaque instant que lui offre la vie, épris follement du présent, hermétique à tout le reste puis, à la moindre occasion et sans l'annoncer, il accepte tout aussi volontiers d'en sortir et que sa vie prenne soudain une autre direction que celle envisagée à la seconde précédente […]. C'est cela vivre avec un chien, c'est réapprendre qu'une heure est faite de soixante minutes valant chacune d'être considérée, s'octroyer le droit de papillonner de l'une à l'autre, se rendre saisissable à la surprise et à l'incertitude, ces sources inépuisables d'espérance. 

 

Tout est hélas d’une banalité navrante qui, si elle reflète parfaitement la vie simple auprès d’un animal aimé et la manière d’habiter le monde avec lui, interroge sur la nécessité de l’écrire. La sincérité de l’entreprise n’est pas contestable, tant s’en faut, et je suis heureuse si cela a permis à l’auteur de faire reculer un peu son immense chagrin tout en retenant des souvenirs qui lui seront toujours chers, comme cette odeur du titre, ce lien intime, fermé aux autres. 

 

Il n'y a rien de plus simple que de vivre avec un chien. Il suffit, quand il rentre, d'écouter le bruit de ses pattes cliquer sur le parquet, de respirer son odeur qui, dans son sillage, imprègne directement le couloir de la maison, et de regarder filer les jours entre les touffes de ses poils qu'il abandonne un peu partout. Et puis un soir, vous n'entendez plus que le silence, les pièces, toutes, empestent l'absence et il n'y a plus rien, nulle part, à balayer et à aspirer. Et c'est à ce moment-là, cette nuit-là, à cette heure précise, que vous ressentez jusqu'au fond de vos os que votre chien est mort. 

 

D’où le besoin de s’adresser directement à lui dans les dernières pages du livre, qui m’auront finalement émue.

 

Je terminerai ce billet par quelques mots sur l’écriture de Cédric Sapin-Defour qui m’a déconcertée dès les premières pages, là où certains verront une forme de poésie. À la recherche du mot érudit, de la tournure inutilement compliquée, de l’envolée cocasse, elle m’a souvent plongée en pleine confusion, m’obligeant à reprendre certains passages, contrariant le rythme de ma lecture. Je pourrais recopier des paragraphes entiers, toutefois pour donner un exemple éloquent tout en faisant court, la phrase

 

L'âge et son compère l'expérience ne charrient pas que leurs régressions. 

 

me laisse encore perplexe quant à ce qu’il me faut comprendre. Et je ne parle même pas de l’emploi fautif du masculin son compère❞ pour expérience...

Ce roman a reçu le Prix 30 millions d'amis 2023.


꧁ Illustration ⩫ Charles Olivier De Penne, Bouviers bernois à l'arrêt, c. 1889 


Écrire commentaire

Commentaires: 0