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New York des peintres et des écrivains, Françoise Bayle, Hazan

 

 

 

 

 

New York des peintres et des écrivains

Françoise Bayle

Éditions Hazan

240 pages

02/11/2022

35 €

 

 

 

Les éditions Hazan publient depuis près de quatre-vingts ans de très beaux livres d’art à des prix abordables. La collection Des peintres et des écrivains créée en 2019 propose de faire découvrir une ville par le texte et par l’image à raison d’une publication par an. Avant New York, il y a eu Venise  (2019),  Paris (2020) et Rome (2021).

 

L’objet est comme toujours superbe — le bleu profond de la couverture en cartonnage épais, les élégantes lettres argentées, l’illustration vernie, les pages lourdes au papier glacé d’un blanc pur agrémentées de cadres festonnés — et offre un voyage merveilleux vers Big Apple.

 

Françoise Bayle, historienne de l’art diplômée de l’École du Louvre, a sélectionné des textes et des peintures pour témoigner de l’évolution de New York sur plusieurs siècles — des petites maisons de bois rouge qui n’étaient pas sans rappeler celles de la lointaine Hollande aux gratte-ciels d’acier et de verre qui se perdent dans les nuages — et ses quartiers que l’on résume souvent et à tort à Lower Manhattan ou Upper Manhattan ; Lower East Side ou Upper East Side. New York est autrement tentaculaire, et Françoise Bayle nous fait aussi arpenter Little Italy, Chinatown, Little Odessa, Harlem, Brooklyn, Greenwich Village, autant de quartiers avec une identité propre forte qui résiste et participe à morceler le gigantisme de la ville, qui n’a pas non plus oublié d’aménager de nombreux havres de paix où se soustraire du tumulte incessant de ses rues (Central Park ; Bryant Park ; High Line ; Washington Square ; Battery Park ; The Met cloister ; Castle Garden, etc.)

 

Le livre s’organise en cinq parties — Nouvelle terre promise ? ; New York avant New York ; Construire le ciel ; La ville archipel ; Havres de paix — qui dessinent l’évolution de la ville au fil des siècles, de sa création à nos jours.

 

New York : on croit la connaître même si l’on n’y est jamais allés tant on la voit partout, que ce soit dans les films, les séries ou les romans. Contrairement à ce que l’on pourrait attendre, les œuvres choisies pour montrer comment, avec son quadrillage strict et sans imagination de rues pour la plupart sans nom, cette ville-énigme s’est métamorphosée d’un petit village en une mégapole sont de peintres peu connus, voire pas du tout (de moi du moins). Toutes les époques et tous les courants picturaux (classicisme, symbolisme, réalisme, impressionnisme et futurisme) sont là représentés par Martha Walter ; Richard Rummel ; Antony Botera ; Lowell Birge Harrson ; Colin Cooper ; Louisa Ann Coleman ; Agnes Tait ; James David Smillie ; Charles Parsons… et Edward Hopper bien sûr. Certains tableaux sont issus de collections particulières, et c’est là l’occasion de les voir.

 

Les tableaux et les textes en regard se répondent. Ces derniers sont d’auteurs américains dont la renommée a traversé l’Atlantique (Edgar Allan Poe ; Edith Wharton ; John Dos Passos ; Jack Kerouac ; Tom Wolfe ; Henry James ; Paul Auster ; Walt Whitman, etc.), mais aussi d’écrivains ou plus largement d’artistes européens (Franz Kafka, Paul Morand, Gaëlle Josse, Le Corbusier, etc.) à avoir fait le voyage vers cette ville du Nouveau Monde dont l’énergie dévorante et inextinguible semble lancer un défi au déclin annoncé de la Vieille Europe.

 

Ce ne sont pas moins de quatre siècles de l’histoire d’une ville, qui nous enjoint à changer de mesure, où on aime à se perdre pour se retrouver, une ville avec ses réussites flamboyantes, ses échecs foudroyants et ses douleurs sans nom, qui défilent de la plus belle, ludique et enrichissante des façons.

꧁ Bernard Boutet de Monvel, Vue de Wall Street, 1930 ꧂
꧁ Bernard Boutet de Monvel, Vue de Wall Street, 1930 ꧂

 

 

 

 

 

❝New-York était un espace inépuisable, un labyrinthe de pas infinis, et, aussi loin qu'il allât et quelle que fût la connaissance qu'il eût de ses quartiers et de ses rues, elle lui donnait toujours la sensation qu'il était perdu. Perdu non seulement dans la cité mais tout autant en lui-même. Chaque fois qu'il sortait marcher il avait l'impression de se quitter lui-même, et, en s'abandonnant au mouvement des rues, il pouvait échapper à l'obligation de penser, ce qui lui apportait une part de paix, un vide intérieur salutaire. […] Les promenades les plus réussies étaient celles où il pouvait sentir qu’il n’était nulle part. Et c’était finalement tout ce qu’il avait demandé aux choses : être nulle part. New York était le nulle part que Quinn avait construit autour de lui-même.❞

Paul Auster, Cité de verre (traduction de Pierre Furlan)

 

 

New York et ses vertiges, New York et ses follies, New York dont Le Corbusier, d’un mot, avait saisi le paradoxe : 

 

New York est une catastrophe… une belle catastrophe.

 

Une revigorante et érudite évasion dans une ville-fantasme qui produit toujours du rêve.


꧁ Illustration ⩫ John Stobart, Statue de la Liberté dans le port de New York, 1886 ꧂


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