Un auteur autoédité, en plus d’être auteur et éditeur, se doit d’être un peu comptable dans la mesure où il va devoir calculer ses investissements au plus juste pour fixer le prix de vente de son livre.
Or, autant il est facile d’apprécier certains coûts éditoriaux, artistiques ou de fabrication, autant il est difficile de jauger avec exactitude les coûts annexes, pourtant indispensables à prendre en compte. Et que dire de considérations moins terre à terre ?
Tout d'abord le prépresse. C'est l’ensemble des opérations nécessaires à la préparation et la fabrication du livre. Son coût peut être quasiment nul si l’auteur autoédité choisit de tout faire lui-même. En revanche, s’il décide de faire relire son ouvrage par des bêta-lecteurs, de le faire corriger, mettre en pages, ou s’il s'attache les services d'un graphiste indépendant ou d'une agence pour la réalisation de la couverture, il devra prendre en compte ces coûts qui sont autant d’investissements au service de son livre.
Les montants dépendent bien sûr des prestataires choisis, aussi est-il indispensable de faire établir plusieurs devis et de se garder de penser que le plus intéressant est forcément le moins cher !
Certains correcteurs proposent des tarifs à la page ou à l'heure, d'autres au mot, d'autres encore au mille de signes, et le tarif demandé pour une couverture dépend du travail que le graphiste aura à effectuer. Il va de soi que le montant de sa prestation sera moindre si l’auteur fournit le texte et l’illustration.
L’impression est l’investissement le plus lourd. Il est fonction de plusieurs facteurs au nombre desquels le format du livre, son nombre de pages, la qualité du papier choisi, le type d’impression (noir, couleurs, numérique ou offset) et enfin le chiffre de tirage. Là encore, demander plusieurs devis s’impose de manière à pouvoir privilégier la formule la plus économique tout en ayant l’assurance d’un résultat de qualité.
Quatre critères influent sur le prix de l'impression.
Le format : son orientation et ses dimensions
À la française, ou en portrait, ou encore vertical. Plus haut que large, il est le format le plus couramment utilisé.
À l’italienne, ou en paysage, ou encore horizontal. Plus large que haut, il est utilisé pour mettre en valeur les images et est donc réservé aux albums, aux beaux-livres, à certains livres de l’édition jeunesse comme aux biographies qui ont le souci de faire la part belle aux images d’archives.
Enfin, le format carré se rencontre souvent en édition jeunesse. Les très jeunes enfants apprécient son petit format qu'ils tiennent bien en main.
Les formats varient de 12x18 cm (format de poche) à 16x24 cm (grand format). Entre ces deux, le format le plus courant reste le format A5 qui mesure 14,8x21 cm. Le très connu format A4 (21x29,7 cm), celui des ramettes de papier vendues dans le commerce, est surtout utilisé pour les livres scolaires ou les catalogues. Enfin, et de manière bien plus sporadique, on trouve de très grands formats qu'affectionnent les photographes.
Il va sans dire que plus le format est grand, plus le coût est élevé. Si l’ouvrage ne comporte aucune illustration, je conseille un format A5, à la française.
D'ailleurs, les éditeurs français adoptent peu ou prou ce format. Il est ainsi de 14x20,5 cm pour les éditions Héloïse d'Ormesson et Phébus, de 14x22 cm pour la collection Quai Voltaire des éditions de la Table Ronde et de 13x21 cm pour les éditions Viviane Hamy.
La qualité du papier : les pages du livre et la couverture
Les romans que vous achetez sont imprimés en général en papier bouffant 80 grammes qui, pour un grammage identique, présente une épaisseur supérieure à un papier classique.
L’imprimeur peut vous proposer un papier ivoiré, tramé, recyclé, couché : n’oubliez pas que toutes ces options alourdiront la facture. Certains éditeurs soignent particulièrement leurs livres et choisissent un papier plus épais, à l’instar des éditions Phébus ou Le Castor Astral dont les livres sont de beaux objets fabriqués dans un papier plus épais et d’un joli ivoire plus ou moins soutenu. Les éditions Viviane Hamy ont fait le choix à contre courant d'un papier très blanc, ce qui est suffisamment rare en édition pour être souligné.
Si vous souhaitez inclure des illustrations en noir et blanc, il conviendra de vous orienter vers un papier offset, non couché à la surface amidonnée, de 90 grammes qui a l’avantage d’être à la fois plus blanc et moins transparent que le papier bouffant.
Si vous préférez une impression en quadrichromie, un papier couché, dont la surface a acquis par traitement une meilleure porosité, gèrera mieux la saturation des couleurs et rendra le brillant des photographies d’un album, d'une bande dessinée sans aucun effet de transparence.
Enfin, le palatina est un papier éco-responsable, sans acide, sans lignine et sans azurant optique, une alternative au papier offset en raison de sa bonne opacité dès 100 grammes.
Bien moins onéreuse que la couverture rigide, la couverture souple est la plus répandue. Du papier carte à 240 grammes ou du papier couché à 350 grammes sont des valeurs sûres. Le pelliculage appliqué peut être mat, brillant ou velours. Certaines parties de la couverture peuvent être brillantes grâce à l'application de vernis sélectifs. Vous pouvez toutefois souhaiter une couverture rigide, notamment si vous avez créé une bande dessinée. Dans ce cas, un carton 20/10e est un excellent choix.
La reliure
Vous avez choisi la couverture, le papier. Il vous faut maintenant songer à relier votre ouvrage.
La reliure la plus utilisée est la reliure collée. On en a fini avec les reliures cousues qui laissaient s'échapper les pages. Les colles actuelles sont de bonne qualité et assurent une excellente durabilité. Le dos est fraisé pour pratiquer des entailles qui permettent à la colle de pénétrer pour assurer une parfaite adhérence. On obtient ainsi un livre avec dos carré collé.
Toutefois, si votre livre compte moins d’une cinquantaine de pages, il sera judicieux de préférer une reliure à agrafes où les pages sont imprimées en cahier de quatre, pliées en deux, avant d'être assemblées et agrafées à cheval en deux points. Ce mode de reliure n'est pas sans inconvénients puisqu'il limite le nombre de pages, l'épaisseur du papier utilisé et oblige à avoir un nombre de pages multiple de quatre. Mais un petit recueil de nouvelles devrait s'en satisfaire.
En général, les reliures brochées, grecquées ou cousues collées, très coûteuses, sont réservées aux éditions de luxe.
Je fais volontairement l'impasse sur les reliures spirale qui n'ont pas leur place en autoédition, mais qui rendent un service inestimable pour relier les mémoires universitaires.
Le tirage
Le chiffre de tirage correspond au nombre d’exemplaires imprimés.
En deçà de 500 exemplaires, l’impression numérique est la plus abordable tout en offrant une qualité tout à fait convenable.
Au-delà de 500 exemplaires, il convient d’envisager une impression offset, la seule à offrir un résultat de très grande qualité grâce à une haute précision du point d’encrage. C’est elle que l’on privilégie pour l’impression de beaux-livres ou si les illustrations sont une partie importante de l’ouvrage.
Si l’on considère le prix de revient, il sera plus élevé pour un livre tiré à 100 exemplaires en numérique que pour ce même livre tiré à 1 000 exemplaires en offset. Mais la somme totale pour un tirage offset de 1 000 exemplaires est bien plus conséquente que pour un tirage numérique de seulement 100 exemplaires. À vous de trancher, et n’oubliez pas de prendre en compte votre capacité à écouler vos livres !
C’est pourquoi de nombreux auteurs indépendants font le choix de l'impression à la demande (POD/Print On Demand). C’est un mode d'impression numérique destiné à produire dans de très courts délais de très petites quantités d'ouvrages dont le faible tirage induirait des coûts excessifs en impression offset. Avec l’impression à la demande, aucun investissement initial n'est nécessaire, ce qui n’est pas négligeable. Il n'y a aucun stock à gérer et vous pouvez acheter votre livre à un tarif préférentiel. Cependant mieux vaut ne pas s'attendre à un résultat parfait sous peine d'être déçu.
La nébuleuse des coûts annexes reste la part la plus délicate à évaluer. En effet, promouvoir un livre est une opération qui peut s’avérer très onéreuse et réserver de mauvaises surprises à l’auteur qui n’a pas bien fait ses estimations.
La plupart du temps, et sans que cette énumération soit exhaustive, la promotion comprend la publicité (réseaux sociaux, etc.) ; l’envoi du livre aux blogueurs et/ou à la presse (SP) ; l’impression de supports publicitaires tels que marque-pages et flyers, ; la création et la gestion d’un site web ; les frais de déplacement et d’hébergement pour les salons du livre et autres manifestations littéraires, etc. Enfin, même si cela ne se compte pas en monnaie sonnante et trébuchante, l’auteur ne doit pas mésestimer le temps qu’il lui faut consacrer au bon référencement de son ouvrage sur les plateformes de distribution, autant de temps qu'il ne consacre pas à l'écriture.
Avant de passer à la dernière étape et fixer le prix de vente du livre, il est maintenant temps de connaître le prix de revient d’un exemplaire.
Le prix de revient est simple à calculer :
divisez la somme des coûts par le nombre d’exemplaires imprimés.
Comme certains postes n’ont pu être évalués que très grossièrement, il vaut mieux ajouter quelques euros au prix trouvé, ce qui permettra de pallier les coûts induits par un imprévu. De plus, rien ne vaut d’aller en librairie pour voir à combien se vend un livre comparable. Cette démarche simple évite de fixer un prix farfelu et de se retrouver à côté de la plaque.
Vous l’aurez compris, il n’est pas question de donner ici une recette pour engranger des sommes folles, mais bien de rendre l’opération rentable.
Arrivés à ce moment-là de votre lecture, vous vous dites que toutes ces considérations ont été jusqu’à présent bien matérielles et réduisent le livre à un objet avec une couverture et un certain nombre de pages.
Vous avez raison : ces considérations ne suffisent pas à faire le prix du livre.
Car, pour l’auteur autoédité, le prix fixé pour son ouvrage témoigne aussi de l’estime qu’il a de lui-même et là, c'est une tout autre histoire. N'oublions pas que, dans notre société, nous tenons que prix élevé et meilleure qualité vont souvent de pair. Cependant, une chose est sûre : les lecteurs se laisseront plus facilement tenter et donneront sa chance à un auteur inconnu si le prix du livre est bas. C'est ainsi que se déclenche parfois un achat coup de coeur !
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cantier alain (mercredi, 14 juillet 2021 12:17)
Bonjour
Mais le du livre doit aussi considérer la part prise par le libraire, non? ce sera 35 à 40 pour cent de quoi? de la fabrication ? De la fabrication + expédition? De la fabrication + expédition + libraire ? Dans le cas 2 mon livre coûte 13€ ; dans le cas 3, il coûte 20 à 21€. A quel prix vais-je le facturer au libraire?
Merci bien
Christine (mercredi, 14 juillet 2021 16:32)
Bonjour Alain,
Je me suis attachée ici à donner une idée de tous les coûts de fabrication à prendre en compte, car ils dépendent de plusieurs facteurs :
- l’auteur fait-il la correction de son livre lui-même ? la confie-t-il à un professionnel qu’il faudra payer ?
- l’auteur crée-t-il sa couverture ou non ?
- quelle qualité de papier ?
- etc.
La rémunération du libraire, elle, est un simple pourcentage du prix de vente : en général, 35 % du prix que vous trouvez imprimé sur la couverture, tant pour l’édition classique que pour l’autoédition.
En autoédition, (je suppose que c’est de ce mode d’édition dont vous parlez), vous déposez vous-même des exemplaires de votre livre dans les librairies que vous avez démarchées. Vous aurez donc à les facturer vous-même. Il est a priori possible de facturer le libraire au moment du dépôt de vos livres dans sa librairie. Vous ferez alors le point avec lui plus tard et, dans le cas d’invendus, vous devrez lui proposer un avoir, ainsi qu'un remboursement dans l'éventualité où il vous aurait déjà payé. Inutile de vous dire que cette solution est loin de séduire les libraires qui se montrent frileux quand ils ne connaissent pas l’auteur.
C’est pourquoi ils préfèrent proposer une solution de dépôt-vente : vous déposez les livres en libraire, sans facturer tout de suite, mais en établissant un bon de dépôt signé des deux parties. Plus tard, vous faites le point et, s'il reste des invendus, vous les récupérez et ne facturez que les exemplaires vendus.
Si votre livre est vendu à 20 € (difficile de fixer un prix plus élevé en autoédition quand on sait que les livres brochés des éditeurs sont vendus ce prix-là), 7 € iront au libraire quel que soit le mode d’édition. Les 13 € qui restent sont à distribuer entre l’État 5%, l’impression 10 %, l’éditeur 20%, l’auteur 10 %, le diffuseur 20%. Cela dans le cadre d’un contrat d’édition classique. Pour l’autoédition, l’auteur touche environ 60 % (mais assume de nombreux coûts comme je le montre dans mon billet), l’État 5% et le reste va à la diffusion/distribution.
Enfin, n’oubliez pas qu’il est d’usage d’accorder une remise à son libraire... quand les ventes sont conséquentes.
ben (jeudi, 14 juillet 2022 17:32)
Merci infiniment pour la clarté de l'explication. Ainsi que celle de Christine pour le détail. C'est on ne peut plus limpide. A l'attention de M. Cantier, le libraire facture 7€ (35%) puisque le prix du livre est déjà précisé (20€), ainsi que tous les autres taux (Etat, imprimerie, etc.). Et même l'auteur du livre (40%), qui prélève donc 13€/livre vendu. Merci encore une fois pour toutes ces explications.
Christine - Calliope & Pétrichor (vendredi, 15 juillet 2022 09:40)
Bonjour Ben,
Être la plus claire possible sur un sujet bien rébarbatif n'est pas facile. C'est grâce à des commentaires comme le vôtre que je me dis que j'y ai peut-être réussi. Merci d'être passé par ici.