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L'art délicat de... trouver le (bon) titre

꧁ ©George Holz ꧂
꧁ ©George Holz ꧂

 

 

 

 

Un bon titre n’a jamais sauvé une mauvaise pièce. 

Tristan Bernard

 

 

Titles are important; I have them before I have books that belong to them.

John Irving

Un titre ne fait pas un livre, encore moins une œuvre, car un livre ne peut briller uniquement par son titre, même si c’est lui, et non le texte, qui occupe les premières conversations, cet espace où littérature et publicité se côtoient. Nous sommes nombreux à avoir encore présents à l’esprit des titres d’ouvrages que nous avons lus voilà plusieurs années, sans parler de ceux que nous n’avons même pas lus.

 

Si le choix du titre n’a aucun retentissement sur l’intrigue du roman, l’intrigue, elle, a une influence certaine sur le titre. Il est fréquent que celui choisi avant la rédaction ne convienne plus une fois le roman terminé. On comprend alors que certains auteurs soient parfois très hésitants avant d’en adopter un.

 

La situation se résume le plus souvent ainsi : les écrivains qui ont décidé de leur titre avant même d’avoir commencé à écrire s'opposent à ceux qui n’y penseront qu’une fois le point final posé. Et n'oublions pas ceux à la peine, incapables d'écrire tant que le titre leur résiste, comme John Irving le relate si bien dans son savoureux Monde selon Garp.

 

Quel est l’avantage de trouver le bon titre ? Et comment s'y prendre ?

 

 

 

Donner un titre à son ouvrage est un passage obligé, même si de très rares - et facétieux - auteurs s’en affranchissent ; certains d’entre eux allant jusqu’à revendiquer leur anonymat.

Le choix d’un titre n’est jamais anodin.

 

Que peuvent bien raconter un Roman sans titre de Duong Thu Huong, The Book with no Name  dont l'auteur est Anonyme, ou le dernier Valérie Gans ?

Un bon titre doit remplir trois fonctions essentielles : 

désigner, donner des indications sur le contenu et séduire.

 

Il joue un rôle déterminant dans la promotion du roman. Cela est d’autant plus vrai que tout le monde ne s’appelle pas Tatiana de Rosnay ou Guillaume Musso. Un auteur à la notoriété au mieux balbutiante, au pire à bâtir, ne peut pas compter sur son seul nom pour attirer les lecteurs.

Le titre, comme la couverture, intrigue, retient et dispose le lecteur, car le titre est intentionnel et fait partie de l’œuvre.

Inutile que je m’appesantisse sur le nombre faramineux d’ouvrages publiés chaque année : la concurrence est âpre et un bon titre est une des clefs pour sortir du lot.

 

Sa première qualité, et non la moindre, est de donner une identité au roman. Le lecteur découvre l’ouvrage par son titre, qui doit lui donner envie de lire la quatrième de couverture. Le titre est rien moins qu’une amorce de lecture qui enclenche le travail d’interprétation du lecteur.

 

Il doit être original, j’entends non seulement qu’il doit piquer l’intérêt du lecteur, mais aussi qu’il ne doit pas être emprunté à un ouvrage existant. Une rapide recherche dans les bases de données dédiées permet de lever les doutes et d’éviter les problèmes éventuels, car « le titre d’une œuvre de l’esprit dès lors qu’il présente un caractère original est protégé comme l’œuvre elle-même » (article L.112-4, alinéa 1 du Code de la Propriété Intellectuelle).

 

Cela étant, rien n’empêche l’auteur de s’inspirer d’une recette qui a fait ses preuves.

Ainsi, pour son Vieux qui voulait tuer le président paru aux premiers jours de mars 2017, Céline Barré a-t-elle calqué son titre sur les versions françaises de Un viejo que leía novelas de amor (Le Vieux qui lisait des romans d’amour) de Luis Sepùlveda et de Hundraåringen som klev ut genom fönstret och försvann (Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire) de Jonas Jonasson, qui ont connu un très beau succès. Reconnaissons toutefois qu’il y a là une impression de déjà-vu, de déjà-lu et faire ce choix peut être perçu comme un effet de mode, un manque d’originalité, une panne d’imagination ou un aveu de paresse.

 

Le titre est une fenêtre que l’auteur entrouvre et son rôle est de refléter l’intrigue sans trop la dévoiler. Il doit être en accord avec le thème, cohérent, de manière à ne pas tromper le lecteur. Sans être un résumé qui gâterait l’effet de surprise et donc le plaisir de la lecture, il peut permettre au lecteur de se faire une idée de ce qui l’attend au tournant des pages.

 

Mais c’est oublier que, bien souvent, les titres sont manipulateurs. Leur but n’est-il pas de happer le lecteur et tant pis si tous les moyens mis en œuvre ne sont pas honnêtes !

Il peut se contenter d’être informatif, mais également susciter la curiosité, voire l’incrédulité.

Le Cœur d’une autre, quatrième roman de Tatiana de Rosnay, dit assez bien de quoi il va être question. Et si c’était vrai… de Marc Lévy est une invite à lire pour lever un doute. Certains romanciers font le choix de titres travaillés, imagés comme Katherine Pancol, pour revenir quelques ouvrages plus tard à une sobriété sans éclat Muchachas 1, Muchachas 2, Muchachas 3. 

D’autres encore prendront pour titre une phrase de leur ouvrage comme Grégoire Delacourt pour son magnifique Danser au bord de l’abîme.

 

Dire qu’un titre doit bien sonner à l’oreille est une évidence. C’est un bien joli programme quand Christophe Ono-Dit-Biot nous invite à Croire au merveilleux et l’oxymore de L’Insoutenable Légèreté de l’être de Milan Kundera est séduisant en diable.

 

Il est certaines recommandations que l’on peut difficilement remettre en question : les termes négatifs ne sont pas vendeurs et les titres interrogatifs ne sont pas légion.

 

Là où beaucoup conseilleront un titre court, qui se retient aisément, je me montrerai plus prudente. Depuis quelques années, on voit apparaître des titres longs, parfois des phrases entières. Les premiers à venir à l’esprit sont les phrases-titres des romans d’Agnès Martin-Lugand. Encore sont-elles intelligibles, empreintes d'une certaine poésie ! Mais que penser de L’Extraordinaire Voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikéa ou De l’influence du lancer de minibar sur l’engagement humanitaire… Un effet de mode, là encore, qui commence à exaspérer les lecteurs. De ces titres ridiculement longs ne restent qu’un artifice indigeste, une stratégie marketing clinquante qui calibrent les textes en leur enlevant toute saveur.

 

Il est sûrement bon de rappeler ici que l’auteur du texte n’est pas toujours celui du titre. L’éditeur, qui connaît les attentes de son lectorat et dont l’objectif est commercial, ne se prive pas d’intervenir. Les discussions - serait-il plus juste de parler de bras de fer ? - peuvent durer des semaines, des mois avant que l’auteur se range à ses arguments. Certains résistent, souvent à raison.

 

Vous l’aurez compris, ma préférence va aux titres brefs, qui donnent l’ambiance et marquent le ton sans en faire trop : élégance et sens du rythme. Pour cela deux ou trois mots sont bien assez pour éclairer ou intriguer le lecteur : Orgueil et préjugés (Jane Austen), Un Appartement à Paris (Guillaume Musso), Rebecca (Daphne Du Maurier), Miniaturiste (Jessie Burton), Fin de ronde (Stephen King), Chanson douce (Leïla Slimani) et pour finir, ceux qui m'ont fait découvrir Amélie Nothomb : Biographie de la faim, Métaphysique des tubes, Cosmétique de l’ennemi. Reconnaissez que le laconique It de Stephen King, traduit par Ça, fait son petit effet, non ? Alors, n’hésitez pas à aller vers des choses simples !

 

Pour finir, je dirai quelques mots sur le choix que font certains auteurs d'un titre en anglais. La tentation est grande. Pourquoi ne pas y céder ?

 

En effet, les lecteurs - et plus largement le public français - se sont habitués à entendre l’anglais et, de ce fait, nous traduisons de moins en moins de titres de romans, même si cela vaut surtout pour les films.

Il y a dix ans, le prix Goncourt couronnait Alabama Song de Gilles Leroy. Plus récemment, Pierre Chazal a écrit Julie’s Way et les éditions Stock - c'est judicieux - n’ont pas retouché l’allitération et la briéveté de Time to Turn de François Taillandier car il n'y avait rien à gagner à vouloir le traduire à tout prix.

 

Pour les curieux qui auraient envie d’aller plus loin et que l'anglais ne rebute pas, je me fais un plaisir de conseiller le petit livre d’André Bernard Now All We Need Is a Title. Famous Book Titles and How They Got That Way (New York, Norton, 1996) qui, en plus d’être joyeusement divertissant, est très documenté.

 

Enfin, pour les plus paresseux, il existe des générateurs de titres... No comment.


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